En prélude à la Journée Internationale des Peuples Autochtones (JPA) qui s’est tenue le 09 Août 2019, l’association KELLAFRIQUE engagée dans le developpement durables des villages; Des villages incluant aussi des populations autochtones s’est rapprochée auprès de sa Majesté Bebey Elame chef traditionnel du canton Bonejang d’Akwa ce lundi 5 Août 2019 dans le but de :
- découvrir et valoriser via le numérique les valeurs culturelles des peuples Autochtones des communautés du Canton AKWA du village BONEJANG dans le Littoral.
- Relever l’historique des communautés du Canton AKWA à travers le village BONEJANG dans le Littoral;
- Décrire les pratiques alimentaires et manifestations culturelles propres aux communautés du village BONEJANG;
- Expliquer la vision des autorités traditionnelles et l’implication des autorités administratives dans l’encadrement institutionnel et le bien être des peuples autochtones ;
Pour se faire l’equipe de KELLAFRIQUE Douala s’est déportée au domicile de sa Majesté, qui était accompagné de son Sécretaire Particulier (SP) M. Edimo Mpindi Paul Richard et son Sécretaire Général (SG) Mpondo Ngando.
1.Connaissez-vous l’existence des normes juridiques de protection des peuples autochtones ?
En principe l’existence juridique des normes de protection des peuples autochtones existent dans notre peuple, je parle d’abord du peuple SAWA en particulier et du village BONEJANG. Nous sommes en principe l’un des villages qui est connu dans le canton AKWA, mais de nous avons perdu une partie de notre village qui a été occupée par le Port Autonome de Douala qu’on appelait L’OMPC avant ; donc que nous avons perdu plusieurs hectares de terrain c’est-à-dire du côté du fleuve Wouri. Parce qu’on avait là-bas notre fleuve, on y faisait la pèche et autres et aujourd’hui ça n’existe plus.
2. Est-ce que vous pouvez nous faire une brève présentation du village BONEJANG ?
Bonejang est un grand village sortant de BONELEKE, nous sommes les descendants du clan Mpondo qui était le signataire plénipotentiaire du traité Germano-Duala, on va dire l’acte de naissance du Cameroun, c’est notre aïeul sa majesté Dika Mpondo il faut bien le préciser, parce que lorsqu’on nous dit signataires on nous a beaucoup parlé de Duala Manga Bell mais les premières personnes à avoir signé c’était Dika Mpondo c’était la petite précision que je voulais ajouter. Le village BONEJANG en bref est un grand village qui est situé entre d’autres villages parmi tant d’autres. Il ne s’étend pas seulement ici, BONEJANG etait divisé en deux, il y a plusieurs années mais aujourd’hui je vais dire en trois : BONEJANG 1 où nous sommes ici, BONEJANG 2 qui est situé au niveau du cimetière de Ngodi et BONEJANG 3 qui se trouve au niveau d’Akwa Nord au niveau de BONANGANDO. En gros voilà un peu Maintenant autour de nous, nous avons différentes chefferies qui nous entourent. Nous avons à notre gauche comme je suis assis, nous avons le village BONATI et à droite le village BONELANG et devant nous nous avons BONELANKUN qui est à BONEKOUAMOUANG et derrière nous nous avons le fleuve Wouri.
3. D’où vient exactement le peuple Bonejang ?
Alors le village BONEJANG vient du nom d’une dame qu’on appellait Edjangue. Edjangue qui était la petite sœur d’Eleke qui est BONELEKE, alors quand on regarde l’arbre généalogique nous avons BONELEKE, nous avons BONENLEMBE et après vient BONEJANG d’où l’on dit « eleke di sadi » ça veut dire la petite sœur d’Eleke. Euh BONEJANG autrefois nous qui sommes arrivés nous avons trouvé une grande famille ici d’où les BONEBAKALA qui étaient d’ailleurs les premières personnes à être dans cette communauté et après nous avons eu des ainés qui étaient les BONENDALE, BONENKIYE, BONEMADENGUE, BONENDJENGUELE et afin un autre foyer qui est sorti du lot qui est BONAPETO donc c’est assemblage de six foyers de six familles. (Propos de sa Majesté)
Nous sommes les descendants de Dika Mpondo venant de BONELEKE. On nous appelle « EdjanguE » et « ElekE SADI » qui est BONEJANG. Edjangue était la deuxième femme de Dika Mpondo qui a vu qu’au niveau de BONELEKE il y a plus de place c’est là où elle s’est retirée de ce côté et quand elle arrive de ce côté elle trouve Bonapeto et Bakala qui sont déjà installés du côté du lycée on appelait Mbongoma et Bakala, (qui est d’ailleurs devenu un grand lycée de référence et d’ici deux semaines d’ici la rentrée ça ne portera plus le nom du lycée d’Akwa ça portera le nom de lycée bilingue d’Akwa). Quand Edjangue arrive donc, elle s’installe avec ses enfants et Edjangue a eu 4 enfants venant de Boneleke il s’agit de Ineme ngando qui est le premier fils ensuite Kinan Ngando qui est le second fils, viendra ensuite Edjenguele Ngando et Madengue, Peto on l’a repêché parce que Peto venait de Bonadouma on les appelle les Bonabona et s’est retrouvée dans notre fleuve Wouri où il repêché par dame Peto qui était l’une des concubines de notre aïeul qui a donc récupéré Peto et Peto est donc devenu son enfant et Peto résidait à Kane du côté de Bonadibong. Voilà donc en bref la généalogie du peuple BONEJANG. (Propos SP)
4.Quelles sont les spécificités et valeurs liées au peuple BONEJANG ?
Vous savez quand on parle du peuple SAWA en général, nous avons généralement les mêmes spécificités et concernant BONEJANG particulièrement nous sommes un peuple à part, quand je dis à part tout ce qu’on fait à BONEJANG les autres copient. Nous avons un adage ce qu’on a trouvé « quand Dieu passe c’est Edjangué qui suit » « loba nto minké edjangue » donc c’est notre cri de ralliement. Donc en ce qui concerne cette question c’est tout ce que je peux vous dire.
5.Quels sont les interdits (culturels et alimentaires) propre au peuple BONEJANG ?
Avant on avait des champs où nos aïeuls cultivaient et autres où on cultivait un peu de tout le macabo, le manioc et ainsi de suite et on avait également notre fleuve ou on péchait du poisson et autres. En ce qui concerne les interdits culturels je ne pense que BONEJANG a une culture propre au peuple Sawa ; On a un peu de tout dans le village il y a pas d’interdits propre à la culture. Sinon nous avons l’Ambassude, l’Essewe tout ce qui concerne la culture (propos SP)
Nous savons et devons comprendre que nous le peuple Sawa, nous avons une culture assez passive quand je dis passive c’est-à-dire nous sommes prêts à recevoir et à recueillir tout le monde. Nous sommes prêts à laisser passer tout. Nous avons la culture et l’habitude d’être des personnes posées, tranquille capable de pouvoir rassembler. D’ailleurs c’est l’occasion pour moi de vous dire que c’est nous les Sawa que venions de faire une grande célébration ce week-end, qui est la caravane des autorités traditionnelles et coutumières pour la paix et vivre ensemble. Si vous regardez bien ce qui s’est passé c’est la toute première fois je tiens à vous le dire. Je ne parle plus au nom de BONEJANG je ne parle plus au nom du canton Akwa je parle au nom du peuple Sawa en général c’est la toute première fois que tous les chefs du Littoral se réunissent. C’est une grande culture je ne voudrai pas que la culture soit particulière pour BONEJANG je voudrai que la culture soit généralisée nous avons la capacité et la possibilité et nous sommes ainsi, nous sommes très ouvert et nous aimons la paix. (Propos de sa majesté).
6.Comment se passe la dot, le mariage traditionnel et le veuvage dans le village BONEJANG ?
Là c’est une très bonne question il me revient le plaisir de vous dire que dans un village, dans un canton, dans une communauté, dans une collectivité tout ça regarde chez nous le chef n’est pas en responsabilité de s’occuper de genre de choses. Alors le chef est au-dessus des chefs de famille, de chefs de communauté ou notable alors il revient aux notables de faire ce genre de rites, ce genre de coutumes et de s’en occuper, tout ce qu’ils puissent faire s’est rendre compte fidèlement au chef ( chef le veuvage notre épouse s’est bien passé, la dot de notre sœur s’est bien passée) mais le chef a droit de regard parce qu’il est d’abord un fils de ce canton, de ce village ou de cette communauté avant d’être le chef. Il fait partir intégrante de toutes les activités mais ne participent pas mais il assiste. Donc il fallait faire cette petite précision, il ne revient pas au chef mais pour que je vous explique ; chaque famille a sa façon d’organiser ces rites-là, ces traditions qui concernent mariage traditionnel, veuvage. Alors vous trouverez dans certaines familles où on demande une bouteille de whisky et dans une autre on demande cinq bouteilles de whisky donc c’est n’est pas une formalité latérale pour toute le monde, donc chaque famille à sa spécificité.
7.Comment gérez-vous les litiges ?
Carrément c’est le chef mais encore il revient au chef la possibilité de prendre des dispositions parmi lesquelles nous devions réorienter les responsabilités vous savez les chefferies traditionnelles sont devenues comme des gouvernements le chef est quelque sorte assimilé au président de la république. Quand il y a un litige ou quand le litige vient et que ce soit un autochtone du village on le reçoit et on analyse et on écoute d’abord et quand je finie d’écouter je retransmets le problème à son notable parce que la hiérarchie voudrait que ce soit plutôt son notable qui m’apporte le problème. Il fait le bond pour arriver chez le chef, le chef écoute et retransmets aux notables qui maintenant a l’obligation de décider de prendre les dispositions et de me retourner le problème pour que je donne solution ou de résoudre le problème et d’apporter la solution en copie.
Deuxième phase, soit moi je prends des dispositions et je décide et j’applique et je fais suivre aux notables que voilà la décision. Parce qu’il y a eu dans certaines situations où le notable en question et la personne qui se plaint ne sont pas en parfaites harmonie donc le chef devient en ce moment-là arbitre et est obligé de prendre des dispositions par rapport. (Propos de sa majesté)
8.Est- ce que ces dispositions sont très souvent appliquées ?
Oui, parce ce que de nos jours nous ne sommes plus uniquement des chefs traditionnels, l’administration nous a doté d’une autre casquette qui est auxiliaire d’administration. Tout ce qu’on fait on a la possibilité d’appeler les forces de maintien de l’ordre, maintenant quoique l’intervention soit bonne ou mauvaise elle est d’abord exécutée. Il faut d’abord ce qu’il faut pour maintenir l’ordre. Maintenant de l’autre côté quand il s’agit des conflits de terrain qu’au niveau de la chefferie il y a pas eu de suite on transmet à l’autorité administrative qui convoque maintenant toute la commission qui vient et qui siège et si possible même on fait des descentes sur le terrain pour qu’on essaye de les gérer. Mais beaucoup plus dans le cas des infidélités là c’est une causerie, un dialogue qu’on est obligé de lancer parce que ce ne sont pas des affaires civilement pénales donc ce sont des erreurs que le monde peut faire on les accepte comme ça et on essaye de dialoguer avec la principale personne concernée. ( sa Majesté)
9. Quels sont les mécanismes mis en place pour le développement durable ?
En ce qui concerne les mécanismes pour le développement durable, déjà il y a des campagnes de sensibilisation pour que les hommes se regroupent autour de l’association qu’on appelle « dieu la kamer » et également il y a des femmes qui se regroupent au sein de l’association appelée « edjan edjan » pour voir les actions qu’on peut conjointement menées pour améliorer les conditions de vie des autochtones et puis les occupants du village BONEJANG. Ce qui fait que très souvent il y a des petites cotisations au sein des deux entités lorsqu’ un besoin se fait ressentir les hommes au sein de leur regroupement et les femmes au sein de leur regroupement sont interpelés pour faire face aux problèmes qui se posent bon également dans certaines circonstances nous sollicitons des entreprises qui sont tout autour auprès de nous pour faire face à un éventuel problème qui se pose et également nous avons nos élites qui contribuent énormément lorsque une situation se pose lorsqu’il qu’il faut résoudre un problème donc voilà en un mot le mécanisme qu’on utilise très souvent pour faire face aux besoins pour le développement du village BONEJANG. ( Propos SG)
10. Pensez-vous que les populations de BONEJANG bénéficient des ressources du village ?
C’est une question à deux volets. Déjà dans une certaine mesure dire que les populations de BONEJANG bénéficient de l’appui de ses élites. En ce sens lorsqu’une entité voudrait faire sortir un nouveau pagne il y a les élites qui viennent en appui, lorsqu’il y a par exemple un évènement qui concerne le village BONEJANG il y a les élites et les associations qui interviennent. Et dans un autre volet je pourrai dire que les populations de BONEJANG ne bénéficient pas suffisamment des ressources. Parce que je prends un cas palpable, le village est pratiquement dans la ville en parcourant par exemple de ce point jusqu’au fond vers la direction Orange, vous allez vous rendre compte qu’il y a des populations et les entreprises qui se côtoient et lorsque je vois dans certains quartier dans certains villages les chefs très souvent les sociétés qui sont implantées dans leur territoire versent une somme symbolique à la fin du mois et plus de cela les autochtones dont les jeunes bénéficient de certains privilèges au sein des entreprises qui sont implantées à BONEJANG. Mais ça c’est encore un combat à mener et le chef a essayé de le faire lors d’une descente une fois au sein d’Orange, de la société MTN et au sein de la société UTROC ; je peux le dire ce sont des sociétés de poids mais à voir on n’emploie pratiquement pas les jeunes de notre localité or mis SOCADA qui est devenu KAMI aujourd’hui qui emploie je crois une ou deux natives du village BONEJANG donc c’est un combat que nous sommes en train de mener, donc en terme des ressources ça ne se ressent pas encore au niveau des sociétés ou plus au moins au niveau des financements. ( Propos SG)
11. Comment se passe les journées de sa majesté à la chefferie ?
Vraiment la question-là est assez complexe parce que de nos jours nos villages sont devenus des cités nous sommes déjà en plein cœur des villes alors les personnes qui nous entourent ce sont des entreprises ce sont les allogènes on les accepte comme ça on ne doit pas faire autrement nous sommes tous des camerounais.
Je ne vais pas me lever et marcher avec le pagne dans tout le village. Il faut que le chef cherche à avoir son gagne-pain avant de pouvoir compter sur une, deux ou trois élites alors dans ce sens le chef a deux entreprises ( entre guillemets) qui tournent heureusement en plein régime par la grâce de Dieu. En dehors de ça il faut aussi recevoir la population, il faut aussi écouter les problèmes de la population surtout lorsqu’on dit qu’on est chef il faut être chef de proximité. Il faut toujours être à l’écoute et près de sa communauté afin de pouvoir connaitre, comprendre quels sont les problèmes des populations qui vivent la communauté. Pour terminer c’est tous les jours que je reçois. J’ai les jours que je reçois le mardi et le jeudi et en dehors de ces jours sauf cas exceptionnels si on ajoute aussi à cela l’administration qui nous convie, qui nous appelle à temps à contretemps et expressément. Quand je le dis ainsi c’est parce que on n’a pas un plan détaillé des différentes cérémonies qu’il y a dans notre ville de Douala.
12. Qu’est-ce que les pouvoirs publics peuvent apporter dans le quotidien de BONEJANG ?
Le seul mot que je dirai c’est le soutien, le soutien, le soutien et le soutien parce que je me rappelle quand le village BONEJANG a reçu le sous-préfet de Douala premier Mr Oumbe Tchakui Jean-Marie, il nous a vraiment promis de nous recevoir tout le temps qu’il y aura un problème, d’être à notre disposition, de nous apporter tout son aide possible alors quand nous avons le sous-préfet de notre arrondissement qui nous donne cet appui forcement tous ceux qui sont au-dessus de lui que ce soit le préfet, le gouverneur, les ministres ou le chef de l’Etat sont toujours là pour soutenir les autorités traditionnelles et quand on parle d’autorités traditionnelles on parle évidemment aussi de BONEJANG. Donc vraiment toutes les communautés Sawa et toutes les chefferies du Cameroun particulièrement à celle de BONEJANG attendent le soutien des pouvoirs publics et leur disponibilité.
Propos recueillis par VICKY DIN Orensie